Un panneau à l’orée du désert : Do not cross. Passage interdit. Pourtant, si l’on passe outre l’injonction, un voile se déchire, qui donne à voir le vrai visage de l’Amérique. Nous sommes tellement abreuvés d’Amérique, qu’on peut se demander s’il est possible d’échapper aux images préconçues, de crever l’écran, de passer de l’autre côté du miroir.
Avec ce projet photographique, qui entre en résonance avec mon roman Motel Valparaiso, je vise non pas à défaire, mais à mettre à jour les ressorts du mythe américain, qui continue de nourrir notre imaginaire collectif.
De fait, il n’y a pas une Amérique, mais autant d’Amériques que nous avons de rêves.
Je voudrais que mes photos agissent sur le spectateur comme un reflet de ses fantasmes, et en même temps comme un révélateur d’une vérité plus profonde, plus humaine.
L’objet de cette exposition, c’est aussi de montrer des solitudes qui se croisent sans se voir : des misfits à New York. Un enfant avec sa peluche Disney à San Francisco. Un prêtre à Santa Fe. Le personnel de ménage d’un hôtel, la nuit à Los Angeles. À Chicago, un vieil homme qui traverse péniblement une rue, un couple qui s’enlace devant deux policiers ; un autre qui se tient à la fenêtre d’un diner, le regard dans le vide, quelque part en Arizona.
L’Amérique : En 1985, j’étais étudiant à Topeka, Kansas, aux États-Unis, où j’ai suivi un cours de photographie pendant tout un semestre. J’avais 17 ans, et je me confrontais au mythe américain. Par un heureux accident, on m’avait mis dans les mains les outils nécessaires pour l’observer plus en profondeur.
L’Amérique : « la liberté, c’est pour chacun le libre choix de sa prison », dit un des personnages de mon roman. Un livre qui prend la forme d’un road trip, puis celle d’un récit initiatique, pour mieux en déconstruire les codes. Récit onirique, il invite à regarder au-delà des rêves. Ma photographie, avec d’autres moyens, se donne les mêmes buts.
Je suis écrivain et photographe.
Mon écriture est visuelle, ma photographie narrative. Mes photos sont des invitations à imaginer des histoires. Je m’appuie sur nos désirs, nos envies profondes : le beau, la poésie, la séduction, qui agissent comme des déclencheurs d’imaginaire.
La photographie et l’écriture sont pour moi les deux faces d’une même pièce. Les deux activités se répondent et se complètent : l’écriture s’inscrit dans la réflexion et le temps long, la photographie est instinctive et immédiate. La photographie arrête le temps, alors que l’écriture permet de le déployer.

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